Cette question m’effleure ces derniers temps quand je pense à Gaston Lagaffe, figure tutélaire du loser magnifique. Petite, Gaston me fascinait par sa créativité et son insouciance à toute épreuve, la force comique qui se dégageait des décalages. Sa bulle contre le bulldozer du réel m’était un vivifiant refuge.
Avec le temps, ce qui m’apparaît en ligne de force est cette place, jouissive autant qu’hautement improbable, qu’il occupait au sein du monde productif. Ce n’est évidemment pas par hasard que Franquin situe l’action dans un bureau. Quelque part, Gaston y devient presque un tyran, pulvérisant toutes les bonnes volontés de ses sérieux collègues à la force de son flegme et par la poursuite têtue de ses propres objectifs. Or, imposer son rythme, par les temps qui galopent, relève de la gageure. Être ce grain de sable qui fait vriller tout le système juste par sa poésie, sa créativité et son obstination, je l’admets, j’en rêve parfois. Alors oui, pour les fatigués de l’accélération, Gaston est un leader providentiel. CQFD. Je lui emprunte donc cette chute de loser qui pourrait, avec une once d’imagination et beaucoup de mauvaise foi, devenir un hymne de leader : M’enfin.
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